Bibliothèque :  Philosophie ; André Liboire TSALA MBANI, un de plus sur les rayons

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Le Chantre de la bioéthique offre à la société un essai sur le philosophe belge Gilbert Hottois

Dschang,UDs/SIC-01/06/21.Le Pr André Liboire TSALA MBANI est un éminent « Techno-philosophe » camerounais, auteur de plusieurs essais philosophiques et pionnier au Cameroun de la réflexion Bioéthique. Enseignant à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Dschang, il est également Vice doyen en charge de la recherche et de la coopération. Dans le flot de ses productions, le Professeur Tsala Mbani est de nouveau rentré dans les rayons avec un essai qu’il consacre à un autre philosophe, Gilbert Hottois.

Note de lecture par Dr. Gabin NGUEFACK.  

Gilbert Hottois et l’ontologie humaine, réflexions sur l’écartèlement d’un bioéthicien entre humanisme et anti-humanisme, tel est le chef d’œuvre le plus récent de l’éminent Professeur André Liboire Tsala Mbani, enseignant au Département de Philosophie-Psychologie-Sociologie (PPS) de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Dschang. Il s’agit d’un essai de bioéthique qui porte sur la duplicité du statut éthique du philosophe Belge Gilbert Hottois. Il est précisément question, dans cet essai, de la détermination du socle idéologico-éthique qui gouverne axiologiquement le positionnement éthique de Gilbert Hottois, face à ce qu’il est convenu d’appeler, aujourd’hui, Recherche et Développement Techno-scientifique.  C’est ainsi que le bioéthicien Camerounais André Liboire TSALA MBANI s’emploie à examiner les  mutations intrinsèques qui se sont opérées au sein du dispositif normatif initial de Gilbert HOTTOIS afin que de son statut antérieur d’humaniste, il se retrouve, à l’âge de la maturité, en train d’émarger dans le budget axiologique de l’anti-humanisme, en cautionnant un certain « humanisme évolutionnaire » axé autour de l’idée de l’Homme augmenté, à la solde des fantasmes « désontologisants » des biotechnologies contemporaines.

Organisé sur 257 pages et autour de 7 chapitres, l’auteur de cet essai campe les contours, les détours, les jeux et les enjeux des mutations méthodologiques survenues au sein des sciences de la matière, en vue de montrer comment l’humanité est passée de la science logo-théorique antique à la science opératoire moderne, constituant ainsi le déclic majeur des biotechnologies à visage transformateur et modificateur de l’ontologie humaine.

En effet, depuis 1976, date de la soutenance de sa thèse de Doctorat : « l’humanisme de Gilbert Hottois s’est manifesté aux yeux du monde » (P.13) publiée sous forme d’ouvrage intitulé L’inflation du langage dans la philosophie contemporaine, cette étude véritablement humaniste dénonce les discours philosophiques anachroniques par rapport aux grandes mutations que la science avait déjà connues jusque-là, en invitant les philosophes de son temps à l’adoption d’une posture langagière attentive aux grands enjeux de la science contemporaine, laquelle a cessé d’être logo théorique, théorétique, voire spéculative « qui sont des marqueurs de la science à l’Antiquité gréco-romaine et dans une certaine mesure au Moyen Age » ( P.13). Le discours philosophique sur les sciences doit désormais tenir compte de la révolution opérée au sein de l’activité scientifique par Galilée, à la faveur de l’introduction des mathématiques et de l’expérimentation dans l’ancienne science théorico-spéculative, à l’effet de lui assigner une fonctionnalité et une finalité à la fois pratique et transformatrice. Le discours philosophique sur les sciences se veut désormais celui de la vigilance éthique. Malheureusement, l’humanisme essentialiste et substantialiste du Gilbert HOTTOIS va s’effriter au contact « du second Wittgenstein » et surtout de Gilbert SIMONDON, lesquels vont lui inspirer un certain humanisme évolutionnaire sur fond idéologique post-moderne et relativiste, forcément « trans/post/abhumaniste », ce qui correspond, selon André Liboire TSALA MBANI, à un antihumanisme. Voilà en quel sens il est clairement établi, dans cet ouvrage, la double facette à la fois humaniste et antihumaniste de Gilbert HOTTOIS.

Entretien avec l’auteur. Par Louis Blériot TAFFO.

SIC/UDs : Professeur TSALA MBANI parlez-nous de votre courant idéologique et votre vision en tant que chercheur ?

Auteur : Je fais partie du courant idéologique humaniste, je suis un puriste de l’humanisme classique, j’appartiens au courant idéologique humaniste dans le champ bioéthique. Je suis de ceux qui pensent que l’essence générique de l’espèce humaine, ou la nature humaine pour parler de façon simple, est une valeur apodictique, une valeur sacrée qui devrait être préservée contre la dynamique d’une technologie biomédicale, qui ambitionne fortement aujourd’hui de désontologiser la nature humaine.

SIC/UDS : Que véhiculez-vous dans votre dernière publication.

Auteur : Je présente les idéologies Trans-humanistes, Post-humanistes et Ab-humanistes qui ambitionnent aujourd’hui de mettre un terme à la finitude humaine. Pour ce qui est de l’idéologie Trans-humaniste : mettre un terme à la fatalité de la mort. Alors pour les Trans-humanistes, la finitude n’est pas une fatalité, ils estiment que le potentiel humain en termes biophysique, cognitif et émotionnel n’est pas celui que mérite l’être humain, ils estiment que l’être humain a été déchu de son piédestal au jardin d’éden de façon injuste. Il est question pour la dynamique biomédicale et biotechnologique de restaurer l’homme dans sa splendeur et sa grandeur, d’avant la chute originelle en augmentant son potentiel en termes cognitif, biophysique et émotionnel, afin d’accroitre son potentiel dans ces deux dimensions de son ontologie. Pour ce qui est de la Post-humanité, la mort n’est pas une fatalité, il est donc question pour la robotique, la cybernétique et les sciences cognitives de mettre sur pied l’homme singletique, cet homme dont les facultés supérieures seraient connectées aux éléments cybernétiques en vue de mettre sur pied le post-humain qui vaincrait ainsi la mort, qui serait ainsi un être immortel et éternel. Je parle de ces deux grandes idéologies qui menacent de mettre un terme à l’humaniste classique. On parle de l’humanisme évolutionnaire. C’est un non-sens, l’humanisme depuis la Renaissance, depuis PIC de la MIRANDOLE, depuis MONTAIGNE est fondé sur le symbolisme. Pour PIC de la MIRANDOLE, par exemple, l’homme ne nait pas humain, il le devient. Sauf que le passage de la virtualité ontologique de l’homme à la réalité se fait sous l’impulsion du symbolisme, c’est-à-dire au travers des activités symboliques, éducationnelles, éthiques, par exemple. Ce sont ces activités culturelles qui permettent à l’homme de passer de la virtualité ontologique à la réalité ontologique et non pas la mutation biophysique de l’homme. Donc, l’humanisme évolutionnaire qui est promu par les Trans, Post et Ab-humains correspond, à mes yeux, à de l’anti-humanisme.

SIC/UDs : Qu’est ce qui aurait motivé cette angle de votre recherche dans une société si mutante ?

Auteur : Je me suis appuyé sur le fait que Gilbert HOTTOIS qui est une figure emblématique de la biotique au sein de l’espace francophone. Ainsi, il faut d’ailleurs souligner que j’ai rédigé ma Thèse de Doctorat sur la pensée de ce bioéthicien contemporain qui a enseigné à l’Université de Bruxelles pendant une trentaine d’années et qui est décédé en mars 2019. Alors J’ai décidé de publier un texte, un ouvrage scientifique sur sa pensée, simplement parce que c’est un bioéthicien qui brille par sa double appartenance à la fois humaniste et antihumaniste. Dans sa première vie scientifique, Gilbert HOTTOIS défend la nature humaine comme étant fondée sur les activités axiologique et symbolique. Il estime que cette nature humaine devrait être à l’abri de toutes les ambitions de la dynamique biomédicale et biotechnologique, que la nature humaine est un sanctuaire qui devrait être à l’abri de la désontologisation, et il développe cet humanisme sur la férule de Jacques ELLUL, mais avec la rencontre de Gilbert SIMONDON, Gilbert HOTTOIS est passé de l’humanisme à l’antihumanisme, il est passé maître dans l’art de louer les activités technoscientifiques dans la figure de Gilbert SIMONDON. Il a jeté pratiquement en pâture dans sa seconde vie scientifique, les sciences humaines à l’anthropotechnique. Dans sa seconde vie scientifique, il estime que la nature humaine n’est pas immuable, elle est essentiellement modifiable, falsifiable, remodelable, parce qu’il n’y aurait pas une âme qui se serait incrustée dans cette nature humaine, et qui fonderait son intangibilité et son infrangibilité. C’est donc cette dualité que je mets en exergue dans cet ouvrage. La dialectique de cet ouvrage qui est à la fois humaniste dans sa première vie scientifique et antihumaniste dans sa seconde vie scientifique.  

SIC/UDs : Certains de vos écrits antérieurs ont pratiquement la même résonnance que ce dernier ouvrage : quelles sont les nuances que vous apportez dans ce nouveau produit ?

Auteur : j’apporte par rapport à mon dernier ouvrage, relativement au premier essaie l’analyse en profondeur des enjeux à la fois du Trans-humanisme, du Post-humanisme et de l’Ab-humanisme. Il faut dire que dans les précédents ouvrages, je mettais un point d’honneur sur les enjeux de la Post-humanité, je n’avais jamais analysé les enjeux de la Trans-humanité, encore moins ceux de l’Ab-humanité. Dans mon dernier ouvrage, j’analyse en profondeur les enjeux du Trans-humanisme qui se résument à l’auto transcendance biologique de l’homme en vue de mettre fin à la finitude humaine. J’analyse également les enjeux de la Post-humanité sous un jour nouveau. Ces enjeux qui se résument à l’auto évacuation de l’homme de lui-même. L’homme s’auto évacue de l’humanité en refaçonnant son être au travers d’une symbiose entre les éléments cervicaux, les éléments de faculté supérieur et les éléments cybernétiques en vue de donner naissance à l’homme machine ou à l’homme symbiotique et prétendre ainsi mettre fin à la mortalité. Il y’a également les enjeux des Ab-humanistes : ceux-ci estiment que l’homme n’est pas au centre de l’univers, ils estiment que l’homme n’est pas au sommet de la hiérarchie des espèces. De ce point de vue, les êtres mis sur pied par le Trans et le Post humanisme sont les descendants des humains. Ils estiment que le Trans-humain et le Post-humain seront simplement les descendants de l’humanité parce que l’être humain n’est pas l’étape entéléchique, l’étape paroxysmique ou paroxysmale de l’évolution de l’espèce humaine. Dans ce sens, l’espèce humaine n’est qu’une étape transitoire de l’évolution de l’espèce, l’étape entéléchique c’est le Trans et le Post humain. Voilà un peu l’analyse que je fais dans cette ouvrage et qui est tout à fait original, relativement aux premiers essais que j’ai eu à publier.

SIC/UDS : Pouvez-vous nous dire quelles sont les activités qui font votre projet futur dans la recherche (avez-vous d’autres ouvrages en pleine rédaction ou en cours de publication) ?

Auteur : Je viens de boucler un ouvrage sur la Francophonie dont le titre est : « la Francophonie : une alternative à la mondialisation du vide ? Sauver l’humanité par la multipolarité ». J’estime que la mondialisation est un projet humaniste qui repose à la fois sur les valeurs des lumières et sur les valeurs de l’ancestralité africaine. De ce point de vue, je trouve que parce que la Francophonie présente une posture humaniste, elle peut bien jouer le rôle d’altermondialiste. Je pense que la Francophonie est plus un terme mondialiste et qu’il pourrait infléchir l’élan d’homogénéisation qui est ce que j’appelle la mondialisation du vide. J’appelle la mondialisation néolibérale, la mondialisation du vide, parce que c’est une mondialisation qui ne repose sur aucun référentiel en termes axiologique, c’est une mondialisation qui est sans l’humain et contre l’humain. Il s’agit d’une mondialisation néolibérale qui est gouvernée par l’éthique du profit exponentiel. La francophonie peut donc être un contre poids relativement à la mondialisation du vide ou à la mondialisation néolibérale.

                              

SIC/UDS : Quel appel lancez-vous aux chercheurs camerounais en général, et à ceux de l’UDs en particulier ?

 

Auteur : C’est de prendre conscience de la mondialisation néolibérale, contemporaine. C’est une mondialisation qui ambitionne fortement d’homogénéiser l’humanité, de faire couler l’humanité dans un même moule : le moule occidental. C’est une homogénéisation qui induit le démantèlement de ce qu’on appelle les loyautés identitaires. J’assimile la mondialisation néolibérale à une mondialisation métonymique. Une mondialisation qui promeut un universalisme métonymique c’est à dire un universalisme qui promeut la sphère culturelle occidentale tout en la présentant comme étant la sphère référentielle à laquelle tout le reste de l’humanité devrait se reconnaitre. Je voudrais inviter les chercheurs à prendre conscience de ce péril absolu qui pèse sur les loyautés identitaires nationales et qui sont menacées de déconstruction et même de disparition au profit des valeurs liées aux marchés, des valeurs néolibérales qui ne sont fondées ni sur l’éthique ni sur la morale. Ce sont des valeurs qui sont définies par-delà le bien et le mal, c’est-à-dire qu’elles sont dans l’indifférence totale de la morale et de l’éthique. /.

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