Grande conférence à l’UDs

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Quelle politique africaine de l’Amérique sous Donald Trump ?

Dschang, SIC /UDS – 16/12/16. Le vendredi 16 décembre 2016, dans le cadre de ses activités d’animation scientifique et culturelle,  l’université de Dschang a reçu le Prof. Bruno Bekolo Ebe, recteur émérite des universités de Yaoundé II et de Douala. Au menu du jour, un « essai d’analyse des nouveaux rapports culturels, économiques et politiques entre les Etats Unis, l’Afrique et le Cameroun ». Aux côtés du Prof. Bruno Bekolo Ebe, il y avait le Prof. Robert Fotsing qui s’est penché sur les questions culturelles, le Prof. Joseph Keutcheu qui a examiné les questions politiques et le Prof. Désiré Avom qui a analysé l’aspect économique. Le panel était coordonné par le Dr. Djimeli T. Alexandre, chef du Service de l’Information et des Conférences de l’Université de Dschang.

Pour planter le décor, le Prof. Bruno Bekolo Ebe dans son rôle de Keynote speaker a rappelé les circonstances dans lesquelles le nouveau président américain a été élu, les stratégies déployées par ce dernier pour séduire un électorat américain en rupture avec son establishment. Il a ensuite évoqué le mouvement d’ouverture à l’Afrique que l’Amérique a amorcé depuis un certain temps, notamment à travers le renouvellement du traité de l’AGOA qui ouvre le marché américain à bon nombre de pays africains, avant de faire aussitôt  remarquer que tout au long de sa campagne, le nouveau promu à la Maison Blanche n’a pas inscrit l’Afrique dans ses centres d’intérêt.  Ces constats l’amèneront naturellement à la question fondamentale du jour : y aura-t-il continuité ou rupture de la politique américaine à l’égard de l’Afrique ? Cette interrogation ouvrira le champ aux autres panélistes qui, tour à tour, prendront la parole pour conjecturer, à partir d’un certain nombre de données, la politique africaine de l’Amérique sous Donald Trump.

Sur le plan culturel, le prof. Fotsing s’est attelé à montrer que la culture est un pilier des relations internationales non seulement parce qu’en tant que marchandise elle est le 4e vecteur du développement, mais aussi parce qu’en tant qu’objet idéologique elle est dotée d’un enjeu stratégique. Ainsi, expliquera-t-il, la diplomatie culturelle consiste pour  un Etat à exporter les valeurs qui constituent sa personnalité vers d’autres Etats et d’ainsi répandre son idéologie afin de préserver ses intérêts. A ce propos, il souligne que les Etats-Unis appliquent vis-à-vis de l’Afrique de nombreux programmes d’échanges culturels qui cachent mal leur volonté de domination culturelle ; ce d’autant plus  qu’ils ne sont pas signataires de la Déclaration universelle de la diversité culturelle établie par l’UNESCO en 2002. Par ailleurs, l’infériorité économique de l’Afrique vis-à-vis des USA n’est pas de nature à favoriser un quelconque échange culturel. Toutes choses qui font que les échanges culturels entre l’Afrique et les USA ne se font qu’à sens unique, au seul profit du second. Pour conclure son propos, le Prof. Fotsing a rappelé que le nouveau locataire de la maison Blanche est un génie du monde des affaires ; et que s’il venait à appliquer à sa diplomatie culturelle vis-vis de l’Afrique son savoir-faire d’homme d’affaire, l’Afrique ne croupirait que davantage sous le poids de la domination culturelle Américaine.

Sur le plan politique, le prof. Keutcheu a montré que bien avant Trump, même si l’Amérique avait une politique d’ouverture relative à l’égard de l’Afrique, cette dernière ne représentait pas un centre d’intérêt majeur dans sa politique étrangère ; ce qui a priori peut laisser croire, au regard des envies isolationnistes de ce nouveau président, qu’une rupture totale est en vue. Il observe cependant qu’en dépit des incartades que  Donald Trump a pu multiplier tout au long de sa campagne et qui ne présageaient rien de sérieux quant à sa politique africaine, l’Amérique a de bonnes raisons de s’intéresser à l’Afrique.  Pour lui, l’Afrique est un espace où se joue la reconquête de l’hégémonie mondiale de l’Amérique menacée par l’Asie. L’Amérique y a à défendre de gros enjeux pétroliers (avec sa volonté de rompre avec sa dépendance pétrolière vis-à-vis du Moyen-Orient), sécuritaires (l’Afrique étant le foyer de grands groupes terroristes qui menacent la sécurité américaine) et économiques (l’Afrique est un marché non négligeable pour les Américains). Aussi, conclura-t-il au regard de tous ces enjeux, Donald Trump ne pourrait remettre en cause la politique d’ouverture que l’Amérique a entamée vis-à-vis de l’Afrique même s’il le voulait personnellement car, il convient de faire le distinguo entre l’homme politique en campagne, dont la seule préoccupation est d’engranger des voix, et l’homme politique en situation, confronté non seulement à l’obligation de résultats, mais aussi aux contraintes institutionnelles, aux lobbies de toutes sortes ainsi qu’aux pressions médiatiques et populaires.

Sur le plan économique, le Prof. Avom soutiendra que même si Donald Trump arrive au pouvoir au moment où son pays est pratiquement en situation de plein emploi, il doit faire face au grand défi des inégalités criardes qui y demeurent. Il souligne par ailleurs le fait que l’ambition de Donald Trump c’est de redonner à l’Amérique sa puissance économique à l’échelle mondiale. En considérant ces deux aspects, le prof. Avom aura tendance à saisir l’élection de Donald Trump comme une chance pour l’Afrique. Une chance d’abord parce que, à la différence d’Obama dont les africains ont attendu en vain le soleil, ils n’attendent rien de celui-ci et pourraient enfin comprendre la nécessité de prendre leur destin en main. Une chance également parce que la croissance économique de l’Amérique que Trump voudrait réaliser aurait nécessairement un impact positif sur l’économique mondiale et donc de l’Afrique. Tout compte fait, soulignera le prof. Avom,  l’heure est venue pour l’Afrique de sortir son économie du secteur primaire où elle végète pour acquérir son indépendance économique par la transformation de ses matières premières et mettre fin à cette spéculation maladive qui l’habite chaque fois qu’une grande puissance du monde change de dirigeant.

C’est par ce rappel de la responsabilité des Africains face à leur destin que le Keynote speaker, le Prof. Bruno Bekolo Ebe, reprendra la parole au terme d’un échange riche avec les participants, pour inviter la jeunesse estudiantine massivement présente à  cette conférence à prendre conscience de son rôle majeur dans le devenir du continent africain. Peu importe la politique que les autres ont vis-à-vis de l’Afrique, « l’Afrique sera ce que les Africains voudront qu’elle soit », conclura-t-il. /RA

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